à Catherine Laboubée; parceque sans Elle...
... le Rock d'àRouen, ben, il n'aurait pas eu la même couleur.
DOMINIQUE où que tu sois ... tu les lis ces lignes là... hein dis... tu les lis...
A force de travail, ça commençait à rouler pas mal. C'est Lionel qui avait eu l'idée : “Pourquoi n'en parles-tu pas à Hugues, tu pourrais progresser....”.
A oui, évidement, sur ce plan là, évidement....
- Tu fais 808 909, c'est facile, tu dis que c'est moi qui te l'ai donné, mais ça tu sais.
Il a dû répondre directement, je crois, j'avais un peu hésité quand même. A ce moment, je suivais un stage en informatique, rue de la Chaîne, à la CAHN et le téléphone, bien que libre, n'était pas spécialement destiné à ce genre d'appel :
- “ Oui, oui, bien sûr, si tu veux, ce soir, Piscine L'ile Lacroix, c'est bien”.
Nous étions en août 1982. L'aventure avait commencé depuis un bon moment déjà. Mais moi, j'avais dû prendre le train en marche : je rentrais de Londres, où ce genre de farandole nous était coutumière, puisque quotidienne....
Dominique omniprésent.
Je conçois que l'affaire puisse sembler saugrenue aujourd'hui ; mais tout tournait autour de deux hommes. Rien de ce qui se faisait musicalement parlant d'intéressant à ce moment là sur Rouen, n'échappait à Lionel ou Dominique. Ils avaient pas mal de points communs, dont deux en particulier : la gentillesse et la disponibilité. De nos jours, les centres d'intérêts, forts furtifs, sont dispersés, car l'attention est sollicitée en permanence, et ce, pour des sujets les plus divers. Sordide Jean-Pierre T. appartenait à une sphère Sentimentale que je n'ai jamais pu atteindre. Je le regrette d'ailleurs...
Entre 1977 et 1983 (pour moi, la fin de la fête, puisque Mélodies Massacre avait disparu), il ne s'agissait que de musique. Je serais même encore plus exclusif en écrivant : « que de musique à Rouen ». Le reste n'avait pour nous aucun intérêt, Le Havre existait à peine, on ne s'invite pas au Suicide tous les jours, et Paris, pas du tout. Londres et Boston étaient les pourvoyeurs, et l'on faisait nos propres trucs.
Je n'ai pas ressenti de rupture lors de mon retour en septembre 77, simplement, les choses ont été un peu plus lentes à se remettre en marche, dans la mesure où je ne connaissais quasiment plus personne : 1 an à cette époque à Rouen ; autant dire une éternité, on était oublié. Pas de question posée. Il se passait quelque chose tout le temps.
Il y avait des plaques tournantes individuelles. Enfin deux, mais pas pour les mêmes raisons. A Hill, j'avais cru tout voir, tout comprendre : fort de mes Ten Years After et Sex Pistols originaux que j'avais vu, j'étais paré, ça impressionnait mes potes. Lionel, au départ pas franchement emballé, allait faire fructifier au centuple ce maigre capital acquis à grands coups de décibels rageurs....
Tout cela amusait plutôt Dominique. 1974 était loin, et il se sentait soulagé quelque part, 'd'avoir fait souche'. Il adorait le dialogue et le recherchait. Alors, forcement, ça causait.
« Non, mais attends, arrêtes.... les Damned sans Brian James, c'est pas les Damned ça », des trucs comme ça. Les Lucky Strike défilaient quand même pas mal, et ça, y'en a un que ça rendait quand même malheureux : « vous verrez, vous en reviendrez les jeunes de ce truc là ».
Le tolier essayait d'arrêter de fumer et ça le faisait enrager. Eric n'était pas concerné, et nous, on s'en fichait complètement : on croyait qu'un coup de piscine, et hop, c'était oublié.... jusqu'au concert suivant....
Dominique m'avait dit « on va faire Nineteen.... ».
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est ce phénomène de confrontation. Les Dogs étaient hors de portée, ça ne se discute pas. Les Olivensteins aussi, mais, ils avaient fait dans l'éphémère.
Quand Best a débarqué, les groupes, ça pullulait partout. N'importe quel single était exploité jusqu'à la corde, et ça avait intérêt de tenir la route, sinon, c'était ambiance Taxi Girl : viré ! Chacun avait son style, si on veux, mais beaucoup étaient incapables, pour des raisons les plus diverses, de sortir quelque chose de vraiment valable. La dispersion était de mise : on n'écoutait, mais ne jugeait pas, chacun faisait son truc en fait. Chacun aidait comme il pouvait, les Dogs en tête. Ceux qui parlaient, c'étaient les journalistes, ils sont payés pour ça. Certes, on lisait leurs papiers, mais comment en tenir compte ? La seule chose qu'ils savaient écrire c'est qu'hier, c'était vachement mieux.
De temps à autres, Lionel passait à un client de passage un Charly, et celui-ci prenait ça comme un honneur. Il adorait les honneurs.... Ego trip, ambiance pièce sacrée, c'était marrant, pendant que pendant ce temps, me m'excrimais à ranger les disques ; les singles en particulier. C'était tout petit, et de toute façon, c'était trop le cirque. Il fallait passer un temps fou, pour parfois ne trouver rien, ambiance, je l'ai vu l'autre jour ce truc là, sûr! Donc, il avait été décidé de ranger un peu. Hum, ce genre de bonne résolution.... Enfin, ça permettait de voir du monde (beaucoup de monde même) et, petit à petit, de se rendre compte d'un truc : nous, cet univers là, c'était le notre, on n'en sortait pas .... Comme une évidence. Mais cela concernait vraiment qui ?
Et bien, et c'est là le problème, pas grand monde en fait. Dominique, s'en plaignait, et peut être que Best ou Folk n'avaient pas fait assez de pub pour le Walking Shadow, mais la réalité était ailleurs : « Tu sais, les gens c'est tout, tout de suite, le dernier machin vu à la télé ou alors, la pièce connue et reconnue que certains sont prets à payer une fortune en original.... au milieu, t'as un vide.... c'est 2% de la population. La musique, ça ne paye pas, c'est certain.
Dominique « En vivre, on peut essayer... ». Cet aspect financier était troublant. Bon d'accord, les Cramps signés, je ne les avais pas, j'aurais bien aimé... ça, c'est Dominique qui les avait... mais j'avais le reste... et quel reste....
Lionel disait, si tu vois ci, ou ça, tu prends. « Comment vous dites ?» (j'ai toujours vouvoyé Lionel) Ben Vanilla Fudge, mais si.... j't'ai dit l'autre jour : Carmine Appice, le batteur de Cactus, y'avait un autre groupe avant, avec Tim Bogert....
Fallait suivre... mais c'était facile, Tim Bogert est le seul bassiste a jouer sur une 5 cordes, voire 6, et ça je le savais. J'en avais parlé à Hugues qui ne voyait pas très bien ce que ça pouvait apporter... c'était déjà assez compliqué de jouer certains morceaux et surtout de les apprendre (parce que jouer, bof, au bout de la centième fois, ça rentre forcément).... alors,
alors, il était venu chez moi. Pour Nineteen il m'avait montré 3 ou 4 fois, mais il était tard, et je dois reconnaître que je n'étais pas un élève très attentionné... beaucoup trop absorbé par le fait de goûter au plaisir, sans équivalent, d'avoir 19 et No Way pour moi tout seul.
Evidement, dès le lendemain Lionel venait aux nouvelles.... « Alors, ça a marché ? ». ½ heure après, Dominique trouvait que Antoine apprenait vite. Ce qui, il faut bien reconnaître, était loin d'être mon cas.
Rouen, pas de quoi faire un livre.... pffff.... y'en a 10 fois plus quand t'es chez Toi. Pour être honnête, ce qui n'est vraiment pas simple, et bien je dirais que Londres a profité d'une position établie musicalement et d'être une capitale. Le truc, au départ, n'est pas vraiment Anglais, mais ils le jouaient comme personne. Dominique sur ce plan là avait zappé : c'était les sixties sa passion. Lionel aussi dailleurs. Et Eric, le timide aussi avec une ouverture nettement marquée Costello et Smaps. Il jouait les introvertis refoulés dans ses paroles, et là, il faisait vraiment mal.
J'ai eu la même sensation qu'en décembre 76. Rouen a tout explosé, et ça, c'est vraiment le pied. Il faut se situer dans une période à la con pour ça. Là, c'est à nouveau le bon moment. Il faut que ça roule seul. T'accumules, t'accumules, et quand ça crache....
Mais parfois, ça ne marche pas, alors, il faut recomposer avec ce qu'il y a 'sur place'. Sur ce terrain là, Lionel avait de la chance, il y avait plethore de solutions, et on laissait les changements incessants de personnel pour Rennes... Vu de l'extérieur, ça semblait lisse, mais en réalité, j'ai toujours pensé que 'Je T'aime moi non plus' a été composé à Rouen. Et à chaque fois ça marche, car l'intérêt supérieur demeure. Les splits font parti du truc, mais comme ça se reconstruisait immédiatement sous une autre forme, tout cela n'était pas grave.
De toute façon, on avait notre fil rouge, il s'appelait les Dogs.
Mélodies Massacre semblait éternel et je voyais les autres magasins comme des sattelites plus ou moins éloignés. Ca vivotait plutôt bien. Et puis, la Fnac est arrivée, rue Ecuyère. Je pense que ça a tué quelque chose. Rouen ne doit pas comme être considérée comme une ville de province de plus. Lionel en avait marre aussi, il me l'avait dit. Avec Eric, on avait pris le train, déjeuné au Wimpy, et ce jour là, j'ai compris que c'était fini : l'après-midi, pour la première fois je me suis rendu rue Pierre Sarrazin, pour me rendre compte. C'était incroyablement bien aussi, mais c'était autre chose....
Comment vous expliquer ? Déjà t'as l'odeur du torréfacteur plein les narines, et t'oses pas trop rentrer.... tu regardes, les pochettes sont accrochées avec des épingles à linge, les nouveautés, même les pires sont déjà là. Y'a bien un p'tit bistrot d'aspect pas trop accueillant à droite, mais ça, c'est pour après.... Bon, comme il pleut pas mal, tu rentres quand même, et là, changement.... t'as une autre odeur qui t'envahit.... plus prenante encore : carton vinyle que ça s'appelle, avec pochette de protection plastique. C'est sublime. Bien sûr, le paquet de fanzines à droite s'est encore vautré, mais ça, ce n'est pas grave, ce n'est plus fragile car il y a longtemps que le free souple de l'intérieur a disparu. Lionel ne te cause pas tout de suite: le bonjour de rigueur et il te laisse regarder, sauf si tu demandes, genre 'Z'avez vous le dernier Paul Mc Cartney ?' (vécu). C'est facile; le Français et la daube c'est ensemble, à gauche, en te retournant. Les connaisseurs filent direct dans le décroché, ça prend un moment, si t'es raide ou que tu ne sais plus quoi prendre, tu vises Eric, qui lui, va te dire quoi prendre.... sûr!
C'est subtil, les singles sont aussi en bac, dans de longs tiroirs, sous la caisse.... un maximum de trucs total obscurs qu'il faut prendre quand même parce que c'est génial. Les paroles sont sobres, sauf quand ça s'emflamme : "tu ne vas quand même pas acheter ça!... si.... bon, comme tu veux, mais j'te previens, ce coup-ci, tu ne me le ramènes pas!".
Et puis, y'a le retour de décroché, faut se baisser, dans de tout petits placards, genre trappes, une des mines d'or, c'est là. Parce que là, est stockée toute la jeunesse de Lionel...
La jeunesse de Lionel, et l'essence de Nineteen....
copyright L'Illustration Musicale - avril 2011
Excellent texte! On y est là, pah?
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